Starcraft 2

Il vient de finir 4e aux WCS Winter Europe en s’inclinant face à l’ogre finlandais Serral. Théo « PtitDrogo » Freydière, joueur professionnel de Starcraft II depuis 2014, s’impose comme l’un des meilleurs joueurs français sur le jeu et est bien parti pour gagner sa place pour les WCS Global Finals : le Saint Graal pour tout joueur de SC2. Nous l’avons rencontré peu après sa victoire à la Gamers Assembly pour revenir sur son parcours, l’état actuel de la scène de Starcraft II et ses objectifs pour l’année 2019.

ptitdrogoPtitDrogo arborant le meilleur outfit de la baguette aux WCS Global Finals en 2016

PtitDrogo ? Call him Khal Drogo ! Le petit dragon est devenu grand depuis ses débuts compétitifs en 2014. S’il y a bien une année à retenir pour notre joueur français, c’est bien celle de 2016. Elle avait commencé sous les meilleurs auspices en Janvier avec une victoire suprême à la DreamHack Leipzig ! Le cumul des points des WCS a mené PtitDrogo jusqu’à la BlizzCon, où se déroule le tournoi le plus attendu des joueurs de Starcraft II : les WCS Global Finals.

Groupe difficile pour le français, qui tombe avec Stats et Dark, deux monuments de la scène coréenne. Pas de playoffs mais il réussit quand même à venir à bout de Snute, joueur emblématique de Team Liquid.

Les années ont passé, des millions de touches de clavier ont été pressées depuis. L’année 2019 commence bien. C’est en tout cas ce que laissent supposer ses derniers résultats en compétition internationale : top 16 aux WESG et top 4 aux WCS Winter Europe. PtitDrogo siège à l’heure où nous écrivons ces lignes à la 8e place des standings des WCS. Garder cette position lui permettrait de réitérer l’impossible dans l’univers impitoyable de Starcraft II : gagner sa place pour les Global Finals.

Le parcours de PtitDrogo sera à suivre cette année, tant on peut espérer qu’il parvienne à atteindre ses objectifs et à faire mieux qu’en 2016.

Nous l’avons rencontré, peu après son top 4 aux WCS et sa victoire à la Gamers Assembly 2019, pour revenir sur son parcours, sur l’état de la scène française de Starcraft II et pour faire le point sur ses objectifs.

Bonjour PtitDrogo ! Est-ce que tu peux te présenter et nous dire depuis quand tu joues à Stracraft II et quel a été ton parcours depuis tes débuts ?

PtitDrogo – Je m’appelle Théo Freydière, plus connu sous le nom de PtitDrogo, je suis un joueur à plein temps de Starcraft depuis que j’ai quitté le lycée (en septembre 2014). C’est pile à ce moment-là que je suis passé full time. Je dirais que j’ai réussi à en vivre depuis fin 2015, et c’est là où j’ai commencé à faire des perfs qui me permettaient d’en vivre. Depuis 2015, je suis un pro gamer à plein temps et ça se passe très bien !

A quel moment tu as su que tu voulais devenir joueur professionnel ?

J’ai voulu devenir joueur pro quand j’ai vu l’annonce de Starcraft II lorsque j’étais en 3e, je me suis dit « Ouais je serais joueur pro de ça plus tard ». C’est une conviction qui ne m’a jamais quittée. Le moment où j’ai pu confirmer cette conviction, c’était fin 2015 avec ma 2eme place à l’Asus Rog, et derrière une année remplie de grosses perf’s en 2016 !

On t’a aperçu dernièrement à la Gamers Assembly alors qu’on a plutôt l’habitude de te voir aux événements internationaux. Ca fait quoi de revenir jouer en LAN françaises ?

C’est toujours très cool, surtout que souvent il y a des clash avec des événements internationaux (là il aurait pu y avoir clash avec les WCS comme c’est arrivé avec MarineLorD). Je n’ai pas l’occasion de faire beaucoup de LAN françaises. Généralement je vais à la GA et à la HF-Lan à Paris quand je peux mais c’est assez rare. Mais c’est toujours cool de retourner sur des petites LAN françaises comme au bon vieux temps. Avant j’y allais surtout pour m’amuser, maintenant j’y vais pour gagner : ce n’est pas toujours la même ambiance mais ça reste sympathique !

En l’occurrence tu as gagné cette année, alors qu’il y avait de très gros joueurs comme Clem, Denver, Shadown, Crow, DnS…

C’est toujours compliqué parce que même si j’étais un peu favori, je l’étais de pas grand chose. Ca reste de très bons joueurs et ils peuvent tous me battre sur un bon jour. L’environnement LAN, c’est très différent : il y a des joueurs que ça favorise, d’autres non. Je ne me dirais pas particulièrement favorisé mais je suis quand même un joueur qui a beaucoup d’expérience et je suis plutôt confiant dans ce genre de set up. Ca reste de bons joueurs, et même si certains disaient que ça allait être facile, non, ce n’est pas facile et c’est une victoire dont je suis très fier.

J’aimerais qu’on revienne sur ton parcours en ce début d’année 2019 : tu as participé aux IEM Katowice 2019 (top 76), les WESG (top 16) et dernièrement les WCS Winter Europe (top 4). Tu sembles monter en puissance ! Quel regard tu portes sur tes derniers résultats et qu’est-ce que tu penses de ton évolution en tant que joueur jusqu’à maintenant ?

Ce début d’année il est entre-guillemets proche du parfait parce que ça reste des compétitions qui restent extrêmement difficiles. Evidemment, je regarde toujours mes compétitions et je me dis « ah j’aurais pu faire top 8 au lieu de top 16 au WESG si je n’étais pas débile, ah j’aurais pu aller plus loin aux WCS si j’avais mieux joué en groupe stage » mais au final, ne serais-ce juste que d’être là in the first place, c’est déjà excellent et je suis très fier. J’ai un début d’année qui peut me permettre potentiellement d’aller en BlizzCon si je maintiens ce niveau là sur toute l’année (les finales des WCS se déroulent à la Blizzcon, ndlr). Et ça, c’est quelque chose de vraiment cool !

En termes d’évolution du joueur, c’est quelque chose dont je parle beaucoup : en 2016, j’étais très très chaud, j’ai fini en BlizzCon, j’ai remporté la DreamHack Leipzig, fait top 4 en Chine… Et derrière, en 2017-2018, pour ceux qui suivent la scène j’ai un peu moins perfé. C’est lié à plusieurs choses selon moi : c’est notamment lié au fait qu’en 2017-2018, Protoss était une race qui était un peu moins forte. Les très pointilleux savent que j’ai toujours whiné sur l’unité Zerg Hydralisk. En 2017-2018, tu massais cette unité là et tu avais une puissance incommensurable comparé à ton opposition Protoss. Cette année, il y a le fait que la balance me favorise un peu plus, je n’ai pas peur de le dire, Protoss c’est une race qui n’est pas faible en 2019 et ça aide pas mal.

Concernant l’évolution du joueur, pour moi il y a une grosse part de luck dans Starcraft quand même. Ce qui fait que des fois tu peux être très chaud mais avoir des résultats qui puent la merde à côté et c’est un peu ce qui m’est arrivé, surtout en 2018. Il y a eu beaucoup de tournois où j’arrivais dans la compétition et en group stage je jouais contre une stratégie que je n’avais jamais vue avant. Et si tu te casses la gueule dans un group stage, ça devient compliqué. Du coup, je ne pense pas avoir particulièrement grandi en tant que joueur, mais je dirais que c’est de la persévérance. J’ai fait un voyage en Corée qui a été particulièrement productif. Je suis revenu, j’ai essayé de jouer mon jeu, de plus aller sur mes propres stratégies plutôt que sur celles des autres et pour le moment ça a plutôt bien fonctionné.

Je n’ai pas envie de vendre un bouquin aux gens sur LA méthode pour aller au top niveau, non. Des fois c’est un peu de la chance et tout ce qu’on peut faire c’est de continuer à practice, à persévérer et essayer de trouver la méthode qui marche, et là, la méthode marche.

ptitdrogo leipzigPtitDrogo lors de sa victoire à la DreamHack Leipzig en 2016 (© Adela Sznajder – DreamHack)

Tu parlais justement des ajustements et des différences de niveau entre les races : comment on gère ça en tant que joueur quand sa race devient moins forte ?

On gère ça en essayant de s’adapter… Il y a plusieurs méthodes : soit t’essaies de t’adapter, soit t’essaies de pleurer à la balance pour qu’ils fix ça… et tu peux faire les deux en même temps ! Le public ne s’en rend pas compte mais tu peux complètement faire les deux. Pour le coup, en tant que Protoss, j’ai un peu le vent en poupe même si je continue de penser que Zerg est extrêmement fort. C’est quand même moins fort qu’avant.

Tout ce que tu peux faire, c’est essayer de t’adapter. T’as moins de pourcent de win qu’avant, mais faut quand même essayer de s’en sortir. Des joueurs Protoss ont réussi à aller en finale entre 2016 et 2018 – même si Protoss n’a pas gagné beaucoup de tournois. Mais de nombreux joueurs sont allés loin en tournoi et s’ils ont pu le faire, je peux le faire aussi.

Tu es avec Lilbow et Stéphano un des rares français à avoir participé aux WCS Global Finals. Qu’est-ce que ça fait d’arriver au plus haut stade de compétition sur SC2 et de rencontrer les plus grands monstres coréens ?

Je garde un excellent souvenir de la BlizzCon en 2016. C’est un tournoi où c’est un petit peu l’élite et ça se ressent quand tu y es. Tu sens que tu es à un stade au-dessus. Je me baladais dans la Blizzcon et il y avait des fans qui criaient « Oh mon dieu ! C’est PtitDrogo ! » et ça c’est toujours marrant. Je ne dirais même pas que c’est « Ouais on a rencontré les coréens, ils sont trop forts » parce que maintenant, si j’ai envie d’aller voir un joueur qui est au-dessus de moi, j’ai juste à regarder le ladder européen et Serral.

La BlizzCon, c’était vraiment une super ambiance et un tournoi super agréable. Et rien que pour ta participation, tu remportes 10 000$. Limite j’ai plus envie d’y aller pour les deux semaines à Los Angeles qui sont vraiment super cools plutôt que pour le prestige. Après c’est sûr qu’aller loin, c’est super cool ! En 2017, le polonais Elazer et le mexicain Special sont allés plutôt loin donc il n’y a pas besoin d’être Serral pour aller loin en BlizzCon et c’est l’idée que j’ai en tête ! C’est ce que je veux faire.

Comment tu expliques que les joueurs non-coréens aient autant de mal à se hisser dans les phases finales des WCS Global Finals ?

Tout le monde n’est pas aussi bon que Serral. Les coréens sont quand même très forts. Quand on arrive dans les Global Finals, il y a le top 8 coréen qui est extrêmement chaud et reste bien meilleur que le top 8 européen. C’est juste une différence de niveau qui est à rattraper. Il va quand même se passer un certain temps d’ici là, parce qu’en dehors de Serral, on n’a pas cet aspect solidité. Pour moi Serral, s’il a une grande qualité, ce n’est pas tant que son top niveau est monstrueux – ce qui est déjà exceptionnel – c’est que même sur un jour mauvais, il va jouer à un niveau incroyable. Il ne va jamais se casser la gueule, c’est la définition de la solidité le mec. C’est difficile d’atteindre ce genre de niveau là. Les coréens ont aussi tendance à être très solides contre les foreigners. Et si le foreigner est un peu perturbé et qu’il ne joue pas ce dont il a l’habitude, il va jouer beaucoup moins bien que le coréen qui lui va rester solide.

C’est quelque chose dont on pourrait parler des heures : discuter de l’infrastructure, de la société, mais pour moi il y a plein de facteurs qui peuvent expliquer la domination coréenne et c’est l’un d’entre eux.

 

« On n’a jamais eu un joueur qui a autant tâté la perfection que Serral »

 

2018 fut une grosse année pour Starcraft. On avait pris malheureusement l’habitude de voir les principales compétitions remportées par des coréens. Or, Serral joueur finlandais a quasiment tout gagné. C’était d’ailleurs la première fois depuis l’existence des WCS qu’un joueur non-coréen parvenait en finale et la gagnait. Comment tu expliques la domination de Serral l’année dernière ?

C’est un schéma qui se répète avec plein de joueurs – et moi-même d’un certain côté. Quand un joueur va finir ses études, il va avoir un pic de niveau. Serral a fini ses études fin 2016 ou début 2017 je crois. En 2017, après la fin de ses études, il faisait des grosses performances et on sentait que c’était un joueur qui montait en puissance. Mais il n’a pas fait directement ses gros résultats : 2017 c’était l’année de Neeb, qui lui aussi avait fini ses études l’année d’avant. Tu vois, il y a un schéma qui se répète à ce niveau-là !

Les mecs finissent leurs études et un an plus tard, ils défoncent absolument tout. C’est ce qui s’est passé avec Serral. C’était déjà un joueur pro trop niveau, pas le meilleur, mais il était au milieu du pack. L’année dernière, une fois qu’il a fini ses études et qu’il a pu consacrer tout son temps à Starcraft, il a pu débloquer son plein potentiel. C’est un génie, je n’ai pas grand chose à dire de plus ! Le mec ne fait pas d’erreurs, il a des mécaniques monstrueuses, il a une approche du jeu qui pour moi est parfaite. On n’a jamais eu un joueur qui a autant tâté la perfection que Serral, c’est mon opinion. Serral joue et approche le jeu d’une manière qui est proche du perfect. Il est juste super fort, il n’y a pas 36 explications. T’as beau essayé de rationaliser la chose, il est fort parce qu’il arrive à créer ses situations. Ce n’est pas parce que derrière il y avait une théorie que personne avait découvert.

J’ai discuté avec plusieurs joueurs de Starcraft II à la Gamers Assembly, et j’ai cru comprendre que tu étais le sparring-partner de Serral, tu peux m’en dire plus ?

La practice dans Starcraft, c’est que tout le monde joue avec tout le monde. Je pense qu’il y a une grande partie des pro qui pourraient demander à Serral de practice avec eux et il ne dirait pas non. C’est bien de practice avec lui de temps en temps, mais la plupart du temps je dirais que c’est relativement une perte de temps. Parce que le mec est tellement fort que tu prends une mauvaise habitude en jouant contre lui. Tu te dis « okay, si je fais mes strat normales, viables, celles que j’ai vues en compétition coréenne, j’me fais défoncer la gueule. Clairement, pour gagner il faut que je fasse autre chose » et tu vas commencer à prendre d’énormes risques qui marchent contre Serral pour avoir une chance après dans la macro game.

Il y avait une période où je jouais énormément avec lui lorsqu’il streamait et à la fin je me suis dit « merde, c’est cool, on joue les bonnes games mais je ne pense pas que ce que je fais contre Serral, je pourrais le sortir en compétition ». Faudrait d’abord que j’essaie de jouer contre tous les autres joueurs, que j’arrive à avoir un niveau de domination et après je pourrais retourner voir Serral.

Ca ne veut pas dire que je gagne 0 game, aux WESG j’en ai gagné 2-3. Mais les games que je gagnais, clairement c’était en prenant d’énormes risques.

Pour battre Serral, il faut être le joueur qui prend plein de risques, qui peut battre les meilleurs mais aussi qui peut se faire battre par tout le monde. C’est dangereux de practice contre Serral.

serralSerral, la cible à abattre (© Helena Kristiansson – Blizzard)

J’aimerais revenir sur l’écosystème de Starcraft II en France. On a assez peu de structures qui tentent l’aventure Starcraft II. GamersOrigin, O’gaming et Arma sont les principales structures à avoir tenté le coup. Comment on évolue en tant que joueur de SC2 dans un écosystème, en tout cas français, qui ne met pas tellement en avant le jeu et comment tu l’expliques ?

Il n’y a pas beaucoup de teams françaises c’est vrai, mais Starcraft c’est un jeu international. Il y a quand même des équipes qui sont intéressées.

Par exemple, quand j’étais au lycée, j’étais dans une team suédoise, qui était juste une team de potes. Après je suis allé à Nuit Blanche pendant relativement longtemps – qui était aussi une team de potes. J’aurais pu aller à l’époque dans une team qui m’aurait payé plus mais ça ne valait pas tant le coup que ça, alors que j’étais dans un super environnement chez Nuit Blanche.

Après je suis resté chez MYinsanity pendant 2 ans. Ils ont arrêté de faire de l’esport pour faire de l’organisation de tournois en Suisse. Et récemment, j’ai quitté Mkers parce qu’on ne s’était pas mis d’accord sur certains aspects. Là je recherche une team, mais je sais que je devrais pouvoir m’en sortir sans trop de soucis.

Il y a quelque chose que peu de gens savent, c’est que Starcraft, c’est un peu l’esport du chasseur de primes. Les teams vont te permettre d’aller en tournoi et ça va te faire un salaire chaque mois, mais tu vas principalement essayer de faire ta thune en gagnant des tournois et des cashprize. Je dirais que le rapport cashprize/salaire sur Starcraft est vraiment biaisé en faveur des cashprizes. Ce n’est pas comme League of Legends, où quand tu regardes le cashprize des LCS, tu te dis que ce n’est pas beaucoup. Mais quand tu sais que derrière leur team et même Riot leur paie plein de thunes et un salaire incommensurable, tu comprends pourquoi il n’y a pas tant de cashprize que ça.

Sur Starcraft, c’est comme ça qu’on s’en sort en tant que joueur pro. Tu as une petite team derrière toi, mais généralement tu as envie de perfer en tournoi et même de streamer un peu pour gagner de l’argent.

Tu considères que vous êtes peu payés sur Starcraft II par rapport au cashprize que vous touchez ?

Disons qu’il y a les joueurs stars comme Scarlett, Reynor ou Serral qui ont une grosse hype. Les top joueurs touchent un gros salaire c’est sûr mais je dirais que pour la majorité des joueurs pro ça se joue principalement au cashprize.

Une team, c’est principalement une structure qui va te supporter financièrement chaque mois et qui va te payer les voyages en tournoi : c’est tout ce qu’une team peut faire selon moi. Mkers avait essayé de nous avoir un coach. Pour moi, il y a moins de 5 personnes au monde en qui j’aurais confiance pour me coacher, peut-être 10 pour certains pro gamers. Je leur ai dit « vous êtes sympas mais non merci ». Ce n’est pas comme les team LCS ou Overwatch où là pour moi le coaching a un peu plus de sens parce que c’est un jeu d’équipe. Ca aide d’avoir du staff à côté. C’est prouvé par le succès d’Astralis sur CS:GO et ce genre de choses. Mais sur Starcraft, c’est compliqué. A moins que ce soit des team coréennes qui ont des joueurs absolument légendaires qui eux ont une expérience de fou furieux sur Starcraft. Une structure doit juste être un support financier et le joueur doit faire ce qu’il peut pour aider la team à gagner en image. Pour moi, c’est ce rapport qu’il y a sur Starcraft.

Effectivement, j’ai l’impression qu’à contrario de certains jeux esports, si tu n’es pas joueur de très haut niveau sur Starcraft II, tu ne pourras jamais être coach.

C’est ça oui ! C’est l’impression que j’en avais, après quelqu’un qui est à fond sur le coaching de team pourrait me corriger, mais j’ai l’impression qu’une grosse partie du travail en team, c’est d’avoir un plan ou de suivre un plan. A la limite, lorsqu’il faut façonner le plan – c’est ce qui demande énormément de connaissances de jeu – le coach pourra avoir un peu d’aide de ses joueurs et il peut y avoir une sorte de cohésion.

Moi j’adorerais avoir un coach qui me dit « Tu vas jouer X et Y ce week-end en WCS, voilà ce qu’ils ont fait ce mois dernier en termes de stratégie, sur cette carte là tu fais ça, sur cette carte là tu fais ça, et si tu scout ça tu fais ça, et si tu scout ça tu fais ça. » Ce serait génial si j’avais un coach qui me prenait cette part astronomique du travail qui est celle des joueurs de Starcraft II. Sauf que très clairement, ça n’existe pas. Un joueur qui aurait ce niveau là de connaissances de jeu, à moins que ce soit un joueur de 35 ans qui n’ait plus les mécaniques nécessaires, il serait pro player.

Après, si on continue d’avoir des RTS 1v1, peut-être que toute cette génération là de joueurs de Starcraft va pouvoir devenir une génération de coachs. Mais on parle dans un futur très hypothétique. Etre coach c’est vraiment très compliqué sur Starcraft.

kkoma skt t1KkOma, coach iconique des SKT T1, a grandement participé à leur suprématie (© lolesport BR)

Koka, caster chez O’Gaming, déclarait dans une interview que jamais Starcraft ne s’était porté aussi bien. Pourtant, il regrette qu’on ait aussi peu de nouveaux joueurs professionnels. Tu penses que c’est quelque chose qui manque sur la scène professionnelle ?

Pour le coup, il y a un petit peu de renouvellement. J’ai 2-3 noms de joueurs qui viennent renforcer la scène haut level/semi-pro. Evidemment, c’est des joueurs inconnus qui ne gagnent pas de tournois, même si ça peut arriver. Moi, j’étais entre-guillemet de la nouvelle vague de 2016. C’est vrai que depuis, il y a moins de nouveaux joueurs qui gagnent des tournois. Clem et Reynor sont des joueurs qui sont très jeunes, qui vont jouer encore pendant très longtemps. Reynor par exemple est joueur pro sur Starcraft, et il a un haut level depuis plus longtemps que moi. Le mec, à 11-12 ans, il était déjà chez mYinsanity.

Tous les nouveaux joueurs, c’est des joueurs qui jouent déjà depuis 5 ans. Quand tu arrives maintenant sur Starcraft, il faut que tu aies déjà 5-6 ans de mémoire musculaire des doigts. Mais c’est un peu le cas pour tous les esports. Maintenant, si tu veux être bon sur CS:GO, j’espère que tu joues à CS depuis que tu as 10 ans parce que tous les mecs de haut niveau, ça fait plus de 10 ans qu’ils cliquent sur des têtes. Donc the new blood, ce n’est pas tant de la new blood que ça. C’est peut-être ça ce que Koka voulait dire. Parce que quand tu suis bien la scène, tous les joueurs qui se mettent à gagner, c’est des joueurs que tu suivais depuis très longtemps.

Donc est-ce qu’à la fin on va arriver sur un esport Starcraft où tous les joueurs ont 30 ans ? Peut-être, moi je ne sais pas. J’ai quand même l’impression que tous les joueurs jeunes, par exemple Clem, à tous les coups une fois qu’il aura fini les cours, il va commencer à nous casser la gueule en France. Ca ne m’étonnerait même pas.

Pourquoi Starcraft arrive aussi peu à amener de nouveaux joueurs selon toi ?

Faudrait que j’y réfléchisse parce que c’est vrai que quand on compare ça à d’autres esports, notamment en team, tu vas avoir des équipes qui vont changer de joueurs tous les ans. Les équipes changent de joueurs constamment et ils tournent entre eux. Et c’est extrêmement cut-throat. Je ne sais pas trop, je dirais qu’il a un peu exagéré le fait qu’il n’y ait pas tant de nouveaux joueurs que ça. Mais là où c’est très vrai, je dirais que c’est en Corée où la scène est dominée par des vieux de la vieille. Sur la scène américaine et européenne, c’est un peu moins vrai.

Sur ton blog, tu es pas mal revenu sur les différentes stratégies que tu as mises au point sur les dernières compétitions. C’est important pour toi de faire le point et de partager ça avec les gens qui te suivent ?

Personne ne le fait : c’est la première fois que j’ai vu un blog de ce niveau-là. C’est pour ça que je me suis dit que ça pouvait être intéressant. A la base, je n’aime pas trop l’idée des blogs, parce que c’est rare que je lise un blog de quelqu’un qui vaille le coup d’être lu. Et je me suis dit que je pourrais peut-être faire partie de cette catégorie. En soi, donner ses stratégies comme ça, c’est assez dangereux en tant que joueur parce que tu n’es pas censé partager les stratégies que tu construis. Mais toutes les stratégies que j’ai faites dans le blog, c’est quelque chose que j’allais suivre qu’une seule fois. Ou si je les réutilise, ce serait de manière très sporadique, donc il n’y a pas vraiment de danger que je me fasse blindcounter en compétition.

C’était quelque chose que j’avais écris pour le fun, et pour partager en me disant que les gens allaient bien aimer. Je pense écrire quelque chose comme ça peut-être 3 fois par an.

 

« Si Serral perd contre un Zerg dans le bracket, je peux très clairement gagner n’importe quelle DreamHack »

 

Tu es actuellement classé 8e des standings pour les WCS global finals. C’est quoi les objectifs pour la suite ?

Très clairement, c’est d’aller à la Blizzcon. Il y a deux nouvelles sur ce standing : une bonne et une mauvaise. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a 2-3 joueurs américains qui sont en haut du classement parce qu’il y avait un tournoi américain only. Du coup, il y a un peu le top 4 Europe et NA dans ce classement. A l’exception de Neeb et Sasha (Scarlett, ndlr), il y a deux joueurs NA qui vont descendre. Ces dernières années, Scarlett a eu un peu de mal à performer pendant les DreamHack, même si c’est une excellente joueuse, donc reste à voir si elle aussi va descendre. Avec deux ou trois joueurs qui vont descendre, je vais monter au classement.

La mauvaise nouvelle c’est qu’il y a des supers joueurs européens qui ne sont pas encore dans le classement et qui vont se battre pendant les prochaines DreamHack pour essayer de remonter. Pour moi, être 8e (plutôt 5-6e vu que certains vont descendre), ça veut dire que si par exemple je fais que des top 8 sur tous les tournois qui arrivent, je pense que j’irais en Blizzcon. Après faut les faire les top 8 et ça reste un peu dangereux, il faut aller plus loin derrière. Mais c’est quand même sympa de se dire que faire que des top 8 ça passe !

Mon objectif très clairement c’est de faire la BlizzCon et d’aller le plus loin possible en compétition. A l’heure actuelle – et c’est quelque chose qui est triste à dire – mais je ne pense pas que je puisse battre Serral. Mais je pense que je peux battre n’importe qui d’autre. Et je pense que Serral peut potentiellement perdre contre des Zerg, même si depuis les WCS il s’est énervé et il est très chaud. Mais si Serral perd contre un Zerg dans le bracket, je peux très clairement gagner n’importe quelle DreamHack. Après je ne suis pas le joueur le plus solide, c’est un match à la fois et on voit ce qu’il se passe : c’est la mentalité.

Merci à PtitDrogo d’avoir accepté de répondre à mes questions et d’être revenu de manière tout à fait transparente sur son parcours de joueur ! Vous pouvez le suivre sur son twitter et si les stratégies de Starcraft II vous intéressent, on ne saurait que vous conseiller d’aller faire un tour sur son blog !

Nous le suivrons évidemment lors de ses prochaines compétitions, et ça commence dès demain, le 4 mai, où il affrontera ShoWTime en quart de finale des WCS Spring Europe Qualifier !

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